Psychomédia publié le 18 avril 2021
Une étude, publiée en octobre 2020 dans la revue Molecular Psychiatry, dresse le portrait des connaissances actuelles sur les mécanismes d’action par lesquels l’alimentation peut influencer le risque de dépression et la santé mentale.
Des études, dans le champ relativement nouveau de la psychiatrie nutritionnelle, suggèrent une influence de l’alimentation sur le risque de dépression et la gestion des symptômes.
Le régime méditérranéen et l’alimentation anti-inflamatoire, (voir http://www.psychomedia.qc.ca/depression/2016-09-01/lien-alimentation-inflammation)
notamment, sont associés à un risque réduit de dépression, de troubles anxieux et de troubles bipolaires, rapportent les chercheurs.
Dans une revue de la littérature scientifique, Wolfgang Marx de l’Université Deakin (Australie) et 25 collègues décrivent neuf mécanismes d’action par lesquels la santé mentale et cérébrale peut être modulée par l’alimentation.
- L’inflammation Environ 25 % des personnes atteintes d’affections neuropsychiatriques tels que les troubles de l’humeur et la schizophrénie ont des niveaux accrus d’inflammation.
- Le stress oxydatif Des études suggèrent qu’un stress oxydatif persistant peut contribuer à la dépression et d’autres troubles de santé mentale. Une méta-analyse de 115 études, notamment, a montré que les personnes souffrant de dépression présentaient des marqueurs de stress oxydatif élevés et des marqueurs antioxydants plus faibles que les témoins en santé. Une alimentation généralement riche en nutriments (ce qui n’est pas le cas des aliments industriels ultra-transformés) contient des composés antioxydants qui réduisent le stress oxydatif.
- Le microbiote intestinal Les liens entre le microbiote intestinal et la santé mentale sont de plus en plus démontrés. De nombreux autres mécanismes impliqués dans la physiopathologie de la dépression (par exemple, l’inflammation, la neurogenèse, le métabolisme du tryptophane) peuvent aussi être modulés par le microbiome intestinal.
- L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (axe HHS) L’activité de L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien relie le système nerveux central et le système endocrinien. Le cortisol, la principale hormone du stress, est libéré pendant plusieurs heures lorsque l’axe HHS est activé par un événement stressant. Plus de 60 % des personnes souffrant de dépression ont une production excessive de cortisol ou d’autres perturbations dans le fonctionnement de l’axe HHS. Des études ont montré une influence de l’alimentation. Les mécanismes d’action ne sont pas encore bien compris.
- Neurogenèse hippocampique et facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF) L’hippocampe fait partie du système limbique et joue un rôle central dans l’apprentissage, la formation de la mémoire et l’humeur. Le « facteur neurotrophique dérivé du cerveau » (BDNF, pour « brain-derived neurotrophic factor »), une neurotrophine fortement exprimée dans l’hippocampe, est impliqué dans des fonctions cellulaires essentielles telles que la plasticité synaptique et le métabolisme cellulaire. Des niveaux sanguins plus faibles de BDNF ont été décrits chez des patients souffrant de dépression majeure, et l’action protectrice du BDNF contre la dépression a reçu un certain soutien expérimental. La neurogenèse peut aussi être modulée par d’autres voies telles que le microbiote intestinal et les voies inflammatoires, ce qui suggère que des facteurs alimentaires peuvent indirectement influencer la neurogenèse via la modulation de ces voies.
- Le métabolisme du tryptophane Le tryptophane, un acide aminé essentiel qui doit être fourni par l’alimentation, est un élément constitutif important de molécules neuroactives clés. L’attention portée au métabolisme du tryptophane en psychiatrie s’est largement concentrée sur sa conversion en sérotonine. Cependant, la voie physiologique dominante du tryptophane est la voie de la kynurénine qui conduit notamment à la production de l’acide kynurénique neuroprotectrice. Le tryptophane est présent dans une grande variété d’aliments, notamment le poulet, le thon, l’avoine, les cacahuètes, les bananes, le lait, le fromage et le chocolat.
- Le dysfonctionnement mitochondrial Des études ont associé la dépression, comme d’autres troubles psychiatriques dont le trouble bipolaire et la schizophrénie, à un dysfonctionnement des mitochondries. Les mitochondries sont des organites, présents dans toutes les cellules, qui produisent l’énergie nécessaire à tous les processus biochimiques. Des données précliniques (études animales) suggèrent qu’une alimentation riche en graisses, en sucre et en sel peut contribuer au dysfonctionnement mitochondrial.
- L’épigénétique L’épigénétique désigne les influences de l’environnement cellulaire ou physiologique sur l’expression des gènes. Le stress et l’alimentation tôt dans la vie, notamment, ont une influence sur le développement de l’activité épigénétique.
- L’obésité Des liens entre l’obésité et la dépression sont observés. Plusieurs systèmes peuvent être en cause, notamment le stress chronique et l’hyperactivation du système hypothalamo-hypophyso-surrénalien ainsi que l’inflammation.
En raison de la relative nouveauté du champ de la psychiatrie nutritionnelle, la littérature existante recensée est largement constituée d’études précliniques sur les animaux.
Pour identifier et élucider pleinement les mécanismes d’action complexes, des études d’intervention qui évaluent les marqueurs liés à ces voies au sein de populations humaines diagnostiquées cliniquement sont nécessaires, soulignent les chercheurs.
Psychomédia avec sources : Molecular Psychiatry.