Souvent mal soignés, ces troubles de l’humeur représentent un risque de suicide plus élevé que les dépressions.
Il faut dix ans en moyenne pour poser le bon diagnostic, rappelle l’association Argos 2001 à l’occasion de la 2e Journée mondiale des troubles bipolaires, célébrée le 30 mars, jour de la naissance de Van Gogh, artiste maniaco-dépressif. «Pendant toutes ces années, les patients ne vont pas recevoir de traitement adapté et souffrir des conséquences de la maladie. Il faut savoir que les troubles bipolaires représentent un risque de suicide plus élevé que les dépressions», affirme le Pr Philippe Courtet, psychiatre, responsable du centre expert des troubles bipolaires de la région Languedoc-Roussillon. Le retard de diagnostic est lié à la nature même de la maladie. Autrefois appelée psychose maniaco-dépressive, elle alterne les épisodes dépressifs et les périodes d’exaltation entrecoupées de périodes «normales».
Stratégies préventives
C’est la présence d’un épisode maniaque qui permet de poser le diagnostic de troubles bipolaires. Mais ce n’est pas toujours facile à identifier. Si l’accès maniaque est caractérisé par un état d’exaltation, une pensée accélérée et une hyperactivité très marquée, ces composants peuvent être atténués, c’est ce qu’on appelle l’hypomanie. «Les personnes sont euphoriques, dorment peu, elles sont au-dessus de leur fonctionnement normal, mais s’en trouvent bien», analyse le Pr Philippe Courtet. Pleines d’énergie lors de ces phases d’hypomanie, peu de personnes pensent à consulter.
«J’allais voir le médecin uniquement lorsque j’étais dépressive», raconte Annie Labbé, présidente de l’association Argos. Mais, une fois plongés dans ces périodes sombres, voyant tout en noir, les patients ne se souviennent même plus des périodes pendant lesquelles ils ont été euphoriques. «La plupart du temps, les médecins sont face à un dépressif et vont lui prescrire un antidépresseur. Or c’est mettre de l’huile sur le feu», met en garde le Pr Courtet. L’antidépresseur, s’il est efficace, risque notamment d’accélérer l’apparition des épisodes maniaques. «Or le pronostic de la maladie repose avant tout sur l’efficacité des stratégies préventives de rechute. Lorsqu’un jeune de 17 ans a fait un premier épisode, l’objectif est d’éviter qu’il ne fasse d’autres épisodes dans les années qui suivent», affirme le Pr Frank Bellivier, psychiatre à l’hôpital Fernand-Widal, à Paris.
La pierre angulaire du traitement repose sur les thymorégulateurs. Dans la forme typique de la maladie, le lithium reste le traitement de référence. «C’est également le traitement qui a montré une efficacité dans la prévention du risque suicidaire», constate le Pr Frank Bellivier. D’où l’importance de diagnostiquer le plus rapidement possible un trouble bipolaire, maladie qui frappe, rappelons-le, 2 % de la population.
in LE FIGARO 31.03.2015