Interview du Dr GAY: vive la psycho-éducation!

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Le patient bipolaire et son entourage sont aujourd’hui informés des aspects neurobiologiques du trouble bipolaire. Cette information est diffusée dans des buts bien précis, celui de comprendre la maladie mais aussi celui de faire accepter la réalité du trouble, de l’assimiler à une maladie à part entière. Expliquer qu’il existe des perturbations de la biochimie du cerveau et des modifications anatomiques avec un amincissement de certaines zones lors des phases dépressives est une étape tout aussi importante que celle qui consiste à aborder l’aspect multidéterminé du trouble. En outre cette information permet de lutter contre la stigmatisation de cette pathologie, la discrimination et le rejet de l’entourage et de la société qui continuent à avoir une vision négative des troubles de l’humeur, en les banalisant et en responsabilisant les patients. En quoi la prise en charge des troubles bipolaires a-t-elle évolué ?

Nous attribuons une place importante à l’information du patient, la qualité de la relation, au recours à des mesures psycho-éducatives qui intègrent les règles d’hygiène de vie et impliquons la famille dans la prise en charge. Ceci va permettre d’aboutir à une alliance tripartie en respectant la liberté de chacun et en instaurant la règle de la transparence. Cela ne remet pas du tout en cause la place des traitements thymorégulateurs, clef de voûte du traitement. En revanche les antidépresseurs sont utilisés plus prudemment, au même titre que les neuroleptiques, en privilégiant les produits qui présentent un risque plus faible de faire virer l’humeur.

Comment expliquer cette modification de l’approche thérapeutique du trouble ?

Les troubles bipolaires sont des affections à déterminisme complexe, intriquant des facteurs de vulnérabilité génétique et psychologique et des facteurs environnementaux. Il est fait référence au modèle bio-psycho-social. On admet aujourd’hui de manière consensuelle l’existence d’une vulnérabilité génétique, sur laquelle des événements de vie précoces et plus tardifs pourront jouer un rôle précipitant. Le schéma selon lequel le trouble bipolaire était lié à une seule cause n’est plus d’actualité. Il tient compte du sujet, de son histoire, de son patrimoine génétique, de son environnement social, professionnel, familial, de la nature des événements, de son état physique et des traitements associés. L’identification des causes constitue une étape tout aussi importante que l’évaluation clinique et la démarche diagnostique. Elle permet de proposer un traitement qui tiendra compte des différentes composantes de la maladie : biologique, psychologique et sociale. La participation active du patient à la prise en charge constitue une garantie supplémentaire. Ayant été informé de la nature des déterminants, il pourra ainsi se protéger contre certaines situations de fragilisation, avec l’aide de son thérapeute.

Comment définir les mesures psycho-éducatives ?

Elles peuvent se définir comme l’éducation ou la formation théorique et pratique axée sur la compréhension du trouble et de ses différents traitements. Elles prennent en compte les causes et les conséquences de la maladie, le contrôle des facteurs déclenchants et les principaux aspects psychopathologiques du trouble, la qualité de la relation médecin-patient-famille. Elles constituent une approche spécifique du trouble bipolaire, faisant référence non seulement à ses déterminants, mais aussi à ses conséquences et aux pathologies associées qui constituent souvent des facteurs de résistance au traitement.

Différentes approches de mesures psycho-éducatives ont été proposées ces dernières années. Néanmoins, si les objectifs et les modalités de travail en groupe sont en partie superposables et nettement influencés par les thérapies cognitivo-comportementales, le nombre de séances, la sélection des patients, la participation ou non de l’entourage apportent une spécificité à ces différentes approches.

Quelle est la place des mesures psycho-éducatives ?

Les mesures psycho-éducatives occupent une place prépondérante dans la prise en charge des patients bipolaires. Elles dépassent largement le cadre de l’information générale transmise sur la maladie et ses traitements. Les mesures psycho-éducatives, dont le rôle a longtemps été sous-évalué dans les troubles bipolaires, font partie, avec les thérapies cognitivo-comportementales, des traitements psychologiques les mieux documentés et pour lesquels il existe un niveau de preuve d’efficacité élevé. Les dernières études publiées confirment ces données et rapportent une diminution du nombre de récidives et de rechutes, une diminution de la durée d’hospitalisation, un meilleur équilibre de la vie familiale, une amélioration de la qualité de vie.

Comment expliquer cet impact aussi positif ?

Il s’explique par les bénéfices attendus de cette approche complémentaire : acceptation du trouble (au sens d’une reconnaissance et non d’une résignation), reconnaissance précoce des symptômes qui annoncent une récidive, amélioration de la qualité de l’observance thérapeutique et prévention des abus de substances, meilleure gestion de la vie sociale, professionnelle et affective, identification des facteurs déclenchants et précipitants, respect des règles d’hygiène de vie, amélioration des relations interpersonnelles et du fonctionnement social dans les périodes intercritiques (symptômes mineurs et symptômes résiduels). En outre le patient durant le temps de cette prise en charge est mis sur des rails et bénéficie de l’expérience du groupe.

Quelles en sont les modalités pratiques ?

Elles s’inspirent principalement des techniques comportementales. Le nombre de séances est variable et dépend des objectifs fixés. Il est limité à 5 ou 6 lorsqu’un seul thème a été préalablement défini ou lorsque l’on donne une information générale sur la maladie. Le nombre idéal est une vingtaine de séances pour donner la possibilité au groupe de fonctionner et aborder les différents aspects du trouble

Ces mesures s’adressent préférentiellement à des patients équilibrés. Elles pourraient, s’envisager en fin d’hospitalisation au détours d’un épisode d’excitation ou de dépression.

En théorie, tous les patients devraient avoir accès à ce type de mesures, comme peuvent l’être tous les diabétiques, asthmatiques, hypertendus…. Cette approche peu coûteuse, en parfaite adéquation avec les objectifs du programme de santé de lutte contre les maladies mentales, pourrait être facilement applicable et généralisable à l’ensemble des patients. En pratique, Il apparaîtrait logique de proposer cette mesure aux patients dès le premier accès, compte-tenu de l’enjeu important et de la nécessité de mettre tout en œuvre dès le premier épisode afin d’enrayer le processus évolutif : plus la prise en charge est tardive, plus il y a de risques de récidive, de résistance et de désocialisation. Par ailleurs, il est admis que les bénéfices de cette approche sont inversement proportionnels au nombre d’épisodes antérieurs.

Une consultation préalable est en règle générale nécessaire afin de préciser, avec le patient, les objectifs et de constituer un groupe homogène en excluant des personnalités trop psychorigides ou antisociales qui pourraient exercer une action négative sur la dynamique du groupe. Le respect de la confidentialité, la ponctualité, l’assiduité constituent des règles élémentaires au bon fonctionnement du groupe.

Ces mesures sont délivrées par un personnel expérimenté et entraîné aux thérapies de groupe (psychiatres, psychologues, infirmiers). Elles constituent un acte thérapeutique à part entière.

Quelle est la place de la famille ?

L’entourage proche est aussi concerné par ce type d’approche. Il peut être constitué par les conjoints, parents, enfants ou amis. Il peut être inclus au groupe de patients ou être intégré dans des groupes spécifiques d’accompagnants. Les programmes destinés à l’entourage se superposent à ceux des patients.

Quelle conclusion rapide pourriez-vous nous proposer ?

L’approche psycho-éducative constitue un des éléments clef de la prise en charge du trouble bipolaire et permet d’optimiser le traitement médicamenteux auquel elle ne peut se substituer.

Dr GAY

in clinique-garches.com

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