7 clés pour aider un proche sans l’étouffer

150 150 bipolaires6440

par Flavia Mazelin Salvi, in Psychologie Magazine décembre 2020

« L’enfer est pavé de bonnes intentions » dit l’adage, qui se révèle ici diablement pertinent. Les gestes les plus généreux, les mots les plus sincères s’avèrent hélas parfois les moins aidants. Petit guide d’assistance à personne en souffrance.

LUI TENDRE DES PERCHES

Notre grille de lecture émotionnelle passe, la plupart du temps, par le prisme de nos propres émotions et se transforme en projection. Nos interventions sont trop intrusives ou trop anxiogènes. Dans tous les cas, notre curseur est rarement bien positionné. Mieux vaut donc tâter le terrain en tendant des perches qui peuvent aller du simple « ça va ? »au « Il me semble que ça ne va pas fort depuis un moment, tu veux qu’on en parle ? ». Il est important d’être attentif aux messages verbaux comme non verbaux de la réponse : l’intonation, les postures du corps, l’expression du visage, le regard… C’est l’ensemble de ces messages qui donneront, dans un premier temps au moins, le feu vert ou rouge pour approfondir l’échange.

PRENDRE SA PROPRE INQUIETUDE AU SERIEUX

Il y a de simples passages à vide, des situations professionnelles momentanément anxiogènes, comme il y a des situations plus inquiétantes, où le mal-être de l’autre perdure, sans donner de signes d’amélioration. Lorsque cela s’accompagne de dénégation sur le mode « mais non, ce n’est rien», et que l’on continue à se faire du souci, il vaut mieux en référer de son côté à un professionnel, le médecin traitant par exemple. Cette consultation servira à faire le tri entre une inquiétude exagérée et une inquiétude légitime. On fera part de cette visite à son proche, sans dramatiser, mais en lui conseillant de prendre à son tour rendez-vous avec un professionnel.

L’ACCOMPAGNER ET NON LE GUIDER

Deux rôles sont contre-productifs, celui d’infirmier et celui de coach (ou « psy »). La vulgarisation de la psychologie et le succès des médecines alternatives donnent à certains l’impression qu’ils maîtrisent suffisamment ces matières pour se transformer en l’un ou en l’autre. C’est illusoire. De plus, dans une relation affective ou amicale, ces deux positions soignant-malade et guidant-aidé génèrent une dimension hiérarchique qui n’est pas souhaitable. Ces rôles reviennent à des professionnels formés et neutres affectivement. Mais un accompagnement basé sur l’écoute, le désir d’adoucir le quotidien de l’autre (par des attentions, du confort, une certaine stabilité émotionnelle), est une manière d’aider plus saine (elle n’endette pas l’autre), donc plus nourrissante pour la relation à court terme.

NE PAS JOUER EN SOLO

De nombreuses études ont montré l’importance du soutien collectif dans l’épreuve. Les amis, la famille, les professionnels sont des agents actifs de la résilience et de la convalescence. Ce tissu relationnel diversifié permet en outre d’alléger la charge du conjoint, de l’ami ou du parent, et de ne pas le figer dans le rôle, même involontaire du soignant. Cette diversité dans le soutien présente aussi des avantages non négligeables : multiplier les regards sur l’épreuve traversée, offrir une gamme relationnelle diversifiée, permettre à la personne vulnérable de ne pas se replier sur elle-même. Il est aussi souvent plus facile de faire passer des conseils, de soins, notamment, par quelqu’un qui n’est pas impliqué dans la vie quotidienne du proche que l’on aide.

PRATIQUER LE SOUTIEN INVISIBLE

Rien n’est plus contre-productif qu’un soutien de tous les instants ou trop marqué. Des études ont montré que plus l’aide est visible, plus elle génère de stress, de colère et d’anxiété chez son destinataire. Sans compter qu’une compassion et une inquiétude excessive finissent par altérer, chez le sujet fragilisé, confiance et estime de soi. Les chercheurs ont également constaté qu’un soutien trop enveloppant a pour effet d’aggraver la perception du problème ou de l’épreuve. Il est donc préférable de dispenser son aide par petites touches discrètes : privilégier une écoute attentive, cultiver une forme d’humour et de légèreté bien dosée, sans exagérer les encouragements (ce qui est toujours infantilisant). Les chercheurs ont remarqué que les témoignages sur le mode « je suis aussi passé par là », avaient des effets plus positifs que des conseils, aussi avisés soient ils. En revanche sont à proscrire les « Je sais exactement ce que tu ressens » ; même si elles partent d’une empathie sincère, ces formules donnent à la personne qui souffre l’impression d’être dépossédée de ses émotions et de ses sentiments.

AGIR PLUTOT QUE DIRE

« Je suis là pour toi » est typiquement l’affirmation qu’il vaut mieux mettre en pratique plutôt qu’en mots. Surtout si l’on ne vit pas avec la personne. Téléphoner, rendre visite, écrire, proposer des dîners ou des déjeuners, des ballades sont des actes plus réconfortants que le témoignage d’une présence qui ne se concrétise pas forcément ou qui peut embarrasser celui ou celle qui a déjà le sentiment de peser sur son entourage. On peut, en plus d’une aide concrète et régulière, passer un accord stipulant qu’elle s’engage à nous solliciter pour tel ou tel besoin spécifique.

SOLLICITER D’AUTRES POINTS DE VUE

Un événement gagne toujours à être considéré sous plusieurs angles. Lorsqu’on est touché de près, il est rare que l’on puisse prendre la distance suffisante pour le faire. Demander son avis à un professionnel, se rapprocher d’une association, participer à un forum, faire appel à des amis, enrichit la réflexion, multiplie les pistes de solutions, et permet aussi de se délester d’un trop-plein émotionnel. A ce propos, aider un proche ne doit pas signifier mettre sa vie en veilleuse ou entre parenthèses. Se reposer, avoir une vie sociale, prendre soin de soi ne sont ni des récompenses ni des « extras », mais des droits élémentaires.⁕

Retour aux articles